Epoux mariés sous le régime de la séparation des biens : attention à la clause de style !
Publié le :
15/01/2021
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Nous avons déjà plusieurs fois signalé les effets potentiellement dévastateurs de la clause se trouvant dans quasi tous les contrats de mariage et de séparation de biens, rédigés par les notaires, qui prévoit une présomption selon laquelle chaque époux contribue aux charges du mariage, proportionnellement à ses facultés, et interdit aux époux de prouver l’un contre l’autre de ce qu’il ne se serait pas acquitté de son obligation. Il en résulte qu’un époux ne peut se prétendre créancier de l’autre au titre du remboursement d’un emprunt bancaire contracté pour la construction du logement familial, lequel participe à l’exécution de l’obligation de contribuer aux charges du mariage. Nous avons déjà rappelé, dans ces lignes, que la jurisprudence, après avoir considéré que cette présomption était simple, la considère comme irréfragable. Elle en a même fait une clause de non recours sanctionnée par l’irrecevabilité d’une demande à ce titre (Cassation Civile Première – 13/05/2020 – Jurisdata n° 2020-006923) L’espèce ici commentée apporte une illustration supplémentaire du caractère parfois hautement injuste que l’insertion de cette clause dans un contrat de mariage et de séparation de biens peut avoir. En l’espèce, deux époux se marient sous le régime de la séparation des biens. Leur contrat de mariage comporte, comme c’est quasiment toujours le cas, la clause litigieuse. L’épouse apporte au couple 31 % des revenus globaux, le mari apporte, quant à lui, 61 % des revenus globaux. Pour autant, les époux font construire, sur un terrain propre au mari, leur résidence principale, souscrivent un prêt, qui est remboursé uniquement par l’épouse. Les autres charges sont assumées par chacun des époux à proportion de leurs facultés respectives. Lorsque vient le moment du divorce, et de la liquidation du régime matrimonial, l’épouse, qui estime avoir sur-contribué aux dépenses du ménage, au travers du remboursement de l’emprunt immobilier réalisé par elle seule, sur un bien immobilier qui, construit sur un terrain appartenant en propre au mari, se retrouve être le bien personnel du mari uniquement, sollicite une créance contre son mari, à ce titre. La Cour d'appel lui prête une oreille attentive, soulignant que « la contribution aux charges du mariage n’avait pas pour objet de permettre à Monsieur de se constituer un patrimoine immobilier aux frais de son épouse ». Sur pourvoi, la Cour de Cassation, dans un arrêt du 18 novembre 2020, sanctionne la Cour d'appel aux motifs que la présomption de contribution équivalente et au jour le jour de contribution aux charges du mariage de chacun des époux, a un caractère irréfragable et que cette clause interdit donc à un époux de faire la démonstration de ce que sa participation a excédé ses facultés contributives. * * * La solution, dans ce cas d’espèce, apparaît comme très inéquitable, puisque l’épouse a, en effet, contribué, à proportion de ses revenus, à toutes les charges du couple, à l’exception du financement du domicile conjugal qu’elle a effectué à 100 %. Malgré cela, le bien en question construit sur un terrain propre du mari devient sa propriété personnelle. Le mari s’est donc fait construire un immeuble, sur un terrain propre, aux frais de son épouse. Il n’a nullement contribué au-delà de ses propres facultés pour tous les autres postes de charges. Il se retrouve dans une situation où il ne doit rien à celle qui a financé son immeuble, au simple motif qu’ils étaient mariés sous un contrat de séparation de biens, lequel comportait une clause d’interdiction de recours entre époux, sur le terrain de la contribution aux charges du mariage. * * * On sait que la Cour de Cassation, et on l’a déjà écrit dans cette rubrique, réduit le champ de contestation possible d’un époux dans le cadre de la contribution aux charges du mariage, allant en cela dans le sens voulu par la clause, qui tend à éliminer le contentieux après divorce. Pour autant, la Cour de Cassation admet que les Juges recherchent l’existence de la clause, analysent son caractère irréfragable ou non, étant précisé qu’à défaut de stipulation particulière, la Cour de Cassation semble considérer que la clause a un caractère irréfragable. Enfin, la Cour de Cassation admet que le Juge saisi recherche si l’obligation de contribution discutée entre dans le champ de la contribution aux charges du mariage. Elle a notamment admis qu’un époux qui avait financé, avec des capitaux propres, l’acquisition d’un bien au cours du mariage, n’effectuait pas de la sorte une contribution aux charges du mariage et était recevable à réclamer une indemnité. Mais, dans les hypothèses où le financement du bien immobilier est réalisé via l’emprunt, l’exception admise par la Cour de Cassation semble s’évaporer. Il est donc plus que nécessaire, pour les époux séparés de biens, avec une telle clause insérée dans leur contrat de mariage, de s’interroger au moment de procéder à l’acquisition d’un bien immobilier sur ces modalités de financement et éventuellement sur la nécessité soit de modifier la clause insérée dans le contrat mariage, en en souscrivant un autre, soit de changer de régime matrimonial et d’adopter un régime plus adapté, comme pourrait peut-être l’être celui de la société d’acquêt, laquelle peut permettre d’établir l’existence de récompenses au moment de la liquidation du régime matrimonial. * * * Source : Cassation Civile Première : 14/10/2020 – n° 19-18.100 – Jurisdata n° 2020-016398
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