QUAND L’ASSEMBLEE PLENIERE DE LA COUR DE CASSATION TENTE DE SAUVER LE TESTAMENT REDIGE DANS UNE LANGUE QUE LE TESTATEUR NE CONNAIT PAS
Publié le :
19/01/2025
19
janvier
janv.
01
2025
Une femme italienne est décédée, laissant trois filles, un fils et un petit-fils pour lui succéder.
Cette femme ne parlait pas le français lorsqu’elle a fait rédiger son testament par un notaire français, en langue française, et elle a eu recours à un interprète.
Après le décès de cette femme, il est apparu que le testament avantageait ses trois filles, et son petit-fils a saisi la justice pour en demander l’annulation.
La Cour d'appel a estimé que le testament était valide.
Elle a reconnu que le testament ne respectait pas les règles de forme attendues d’un testament authentique (jusqu’en 2015, le recours à un interprète n’était pas autorisé).
Néanmoins, elle a considéré que ce testament restait valable en tant que testament international dont il satisfaisait toutes les exigences.
Le petit-fils a formé un pourvoi en cassation.
La Première Chambre Civile de la Cour de Cassation a donné tort à la Cour d'appel.
Elle a jugé que même un testament international devait être rédigé dans une langue comprise par le testateur.
La Cour d'appel de renvoi, chargée de rejuger l’affaire, n’a pas suivi la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation ; elle a estimé qu’en tant que testament international, ce document était valide, l’assistance d’un interprète ayant permis de remédier aux difficultés de compréhension du testateur.
Le petit-fils a formé un second pourvoi en cassation, et dans la mesure où la Cour d'appel de renvoi a refusé de s’incliner, c’est l’assemblée plénière de la Cour de Cassation, sa formation la plus solennelle, qui a examiné le dossier.
La question qui se posait ne concernait pas le testament authentique de droit français qui, lui, était manifestement nul.
Elle concernait le point de savoir si le même testament, nul en droit français, pouvait conserver sa validité en qualité de testament international, dans la mesure où il était rédigé dans une langue qui n’était pas comprise par le testateur, ou alors suffisait-il que le testateur soit assisté d’un interprète.
* * *
Comme on l’a vu, jusqu’alors, la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation considérait que la présence d’un interprète ne suffisait pas à sauver le testament en le rendant valable, même sous sa qualification de testament international.
Cependant, l’assemblée plénière de la Cour de Cassation a fait évoluer sa jurisprudence.
Elle a admis, désormais, qu’un testament international peut être écrit dans une langue qui n’est pas comprise par le testateur.
Toutefois, l’assemblée plénière de la Cour de Cassation pose une condition : la loi dont dépend le notaire en charge d’établir le testament doit autoriser le recours à un interprète.
En France, cette autorisation est permise depuis 2015, mais la Cour de Cassation ajoute également une autre condition, qui est que l’interprète soit inscrit sur une liste d’experts judiciaires.
* * *
Désormais donc, un testament établi par un notaire, dans une langue non comprise par le testateur mais avec l’aide d’un interprète, lui-même inscrit sur la liste des experts judiciaires, pourra conserver sa validité en qualité de testament international.
Il s’agit d’une avancée importante, qui permettra aux nombreux étrangers qui rédigent des testaments en France, en langue française qu’ils ne connaissent pas, de le faire avec efficacité, à la condition toutefois qu’ils prennent la précaution de se faire assister d’un interprète inscrit sur une liste d’experts judiciaires.
Cour de Cassation – 17/01/2025 : Assemblée Plénière, Pourvoi n° 23-18.823
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