Rupture des relations commerciales établies : quelle est la durée du préavis à respecter ?

Publié le : 16/03/2018 16 mars mars 03 2018

Dans plusieurs arrêts du mois de décembre 2017, la Cour d'Appel de Paris, compétente pour connaître des recours à l’encontre des jugements rendus sur le fondement de l’article L.442-6 du code de commerce, a eu à se prononcer sur la détermination de la durée du préavis à respecter dans le cadre de la rupture d’une relation commerciale établie. L’article L.442-6 I, 5° sanctionne la rupture brutale et sans préavis, de la relation. Pour déterminer la durée de ce préavis, le texte fait référence à :
-la durée de la relation commerciale
- la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. Mais le texte rappelle également que la résiliation sans préavis demeure possible en cas d’inexécution de ses obligations par le partenaire commercial ou en cas de force majeure. Dans une première affaire, la Cour rappelle cette exonération de préavis tout en indiquant qu’il appartient à celui qui entend imputer des fautes à son partenaire, en vue de justifier de la rupture de la relation sans préavis, de rapporter la preuve de ces fautes. (Cour d'Appel de Paris , 20 déc. 2017 n°2017-027122) En l’absence de telles preuves, la rupture est considérée comme brutale et sanctionnée au visa de l’article L.442-6 I, 5° du Code de Commerce. Dans une autre affaire (Cour d'Appel Paris, 20 déc. 2017 n°15/20154) la Cour d'Appel de Paris s’attache à souligner le rôle du préavis de rupture, et à en détailler les critères, faisant œuvre de pédagogie. Ainsi, « la durée du préavis à accorder dépend du temps nécessaire au partenaire évincé pour réorienter son activité et trouver éventuellement de nouveaux partenaires », précisant que cette durée  « doit être appréciée au regard de la durée de la relation commerciale établie et des usages en matière commerciale, mais également de toutes les circonstances qui rendent difficile la reconversion de la victime, à savoir principalement son degré de dépendance à l’égard de l’auteur de la rupture, entendu comme la part de son chiffre d’affaires réalisée avec lui (qui peut par exemple résulter de relations d’exclusivité), la difficulté à trouver un autre partenaire sur le marché de rang équivalent (notoriété du produit échangé, caractère difficilement substituable), les caractéristiques du marché en cause, les obstacles à une reconversion (en terme de délais et de coût d’entrée dans une nouvelle relation) et l’importance des investissements effectués dédiés à la relation, non amortis et non récupérables. Ces critères doivent être appréciés au moment de la rupture. » C’est une véritable analyse économique des circonstances de la rupture que la Cour d'Appel de Paris impose de démontrer. Il ne s’agit pas en effet, d’établir un simple tableau de correspondance entre la durée de la relation, et la durée du préavis à respecter. Par ailleurs, la Cour d'Appel de Paris fait entrer dans les critères de détermination de la durée du préavis la dépendance, qui est appréciée en tenant compte du comportement des parties. C’est ainsi que, dans son arrêt du 14 décembre 2017 (16/04578), la Cour d'Appel de Paris considère que l’état de dépendance du partenaire est démontré dès lors que la victime réalisait 90% de son chiffre d’affaire avec le même partenaire. La Cour souligne que cette situation était imposée à la victime du fait de « la logistique de l’activité de transport dédiée ». Soulignons en effet que dans cette espèce, le partenaire victime de la rupture, une société de transports, avait dédié toute sa flotte à son cocontractant (flocage des camions au logo de celui-ci, stationnement des camions dans ses entrepôts, vêtements des chauffeurs aux couleurs de celui-ci). La dépendance était donc démontrée. Mais malgré cet état de dépendance, la Cour retient une durée de préavis très réduit, en retenant que dans le secteur du transport et de la location de camions avec chauffeurs, la durée d’usage du préavis est de 3 mois. La Cour considère qu’en bénéficiant d’un préavis d’une durée de 24 mois, celui-ci était suffisant pour permettre à la victime de se reconvertir « dans le secteur du transports de marchandises dont le dynamisme et la diversité permettent une reconversion dans de courts délais, même dans la région concernée », quand bien même la relation avait durée 26 ans. Dans la même décision du 20 décembre 2017 visée supra, (Cour d'Appel Paris, 20 déc. 2017 n°15/20154), la relation avait duré 3 ans et demi, mais la Cour considère que le préavis de rupture aurait dû être de 6 mois, en considération de la difficulté pour la victime de la rupture à trouver des partenaires de taille équivalente, du pourcentage du chiffre d’affaire réalisé avec cette société, et de la spécificité du marché en cause. Le secteur concerné est en effet le design de cabines d’aéronef, et le partenaire auteur de la rupture était la société Airbus. En conclusion, la jurisprudence de la Cour d'Appel de Paris rappelle la nécessité de documenter rigoureusement un dossier de rupture et de le préparer scrupuleusement en amont avec son conseil. Cour d'Appel Paris, 20 déc. 2017 n°15/20154
Cour d'Appel Paris, 14 déc. 2017, n°16/04578

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