Divorce et procédure collective du débiteur de la prestation compensatoire
Publié le :
28/03/2019
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Depuis longtemps la Cour de Cassation a jugé que la prestation compensatoire, octroyée à l’un des époux dans le cadre d’un divorce, a un caractère alimentaire. Or, les créanciers alimentaires bénéficient d’un statut particulier, notamment en cas de procédure collective de leur débiteur, puisque ces derniers échappent à l’interdiction des paiements issue de l’article L622-7 du Code de Commerce, mais aussi à l’obligation de déclarer leur créance dictée par L.622-24 du même code. Les créanciers alimentaires sont donc très clairement favorisés. Rappelons ici qu’il appartient au juge du divorce d’octroyer ou non une prestation compensatoire à l’époux qui la sollicite, au regard des articles 271 et 272 du Code civil. La plupart du temps la prestation compensatoire est versée sous forme de capital, par le versement d’une somme d’argent, ou par l’attribution d’un immeuble. La question s’est posée de savoir comment articuler le droit des procédures collectives, avec le droit du divorce, notamment lorsque le débiteur en procédure collective devient également débiteur d’une prestation compensatoire, alors qu’il est dessaisi des droits et actions touchant à son patrimoine. La Cour de Cassation avait jugé en 2003 que les créances alimentaires doivent être payées par le débiteur en procédure collective « sur les revenus dont il conserve la libre disposition, ou bien être recouvrée par la voie de la procédure de paiement direct ou de recouvrement public des pensions alimentaires. » (Cass. Com. 8 oct. 2003 n°00-14.760) En l’espèce, un débiteur est placé en liquidation judiciaire en 2009, et en 2014 un jugement prononce son divorce. Il est condamné sur le fondement du divorce pour faute, ainsi qu’au versement d’une prestation compensatoire à son ex-épouse, sous forme d’abandon en pleine propriété d’un bien immobilier. Le liquidateur obtiendra l’autorisation du Juge commissaire à vendre ce bien, le juge-commissaire retenant que, le débiteur étant dessaisi, le jugement de divorce était, dans ses aspects patrimoniaux, inopposable à la procédure collective, de sorte que l'immeuble pouvait être vendu au titre des opérations de liquidation judiciaire. L’ex-épouse formera un recours contre la décision du Juge commissaire, qui sera en conséquence infirmée par la Cour d'Appel. Le liquidateur formera un pourvoi en cassation, estimant qu’en vertu du dessaisissement du débiteur de l’administration et de la disposition de ses biens inhérent à l’ouverture de la procédure collective, antérieure à la décision condamnant ce dernier à abandonner un bien en pleine propriété à titre de prestation compensatoire, la Cour d'Appel aurait dû juger que le transfert de propriété intervenu à ce titre était inopposable au liquidateur. Dans un arrêt en date du 16 janvier 2019, riche d’enseignements, la chambre commerciale va rejeter le pourvoi du liquidateur. Tout d’abord la Cour de Cassation rappelle le droit pour le débiteur dessaisi d’intenter ou de défendre seul à une action en divorce, s’agissant de droits attachés à la personne même du débiteur. Elle précise encore que cette action inclut celle tendant à voir fixer la prestation compensatoire « sans préjudice de l’exercice par le liquidateur, qui entend rendre inopposable à la procédure collective l’abandon en pleine propriété d’un bien propre appartenant au débiteur décidé par le juge du divorce à titre de prestation compensatoire, d’une tierce opposition contre cette disposition du jugement de divorce. » Ainsi la Cour de Cassation réserve la possibilité au liquidateur de former tierce opposition contre la disposition du jugement de divorce attribuant un immeuble en pleine propriété à titre de prestation compensatoire, mais sans remettre en question le principe du divorce, afin rendre la cession forcée de l’immeuble, inopposable à la procédure collective. Ensuite, la chambre commerciale valide l’attribution en pleine propriété d’un bien appartenant à un débiteur en liquidation judiciaire à son ex-conjoint, ce qui implique la possibilité pour le juge du divorce d’attribuer au créancier de la prestation compensatoire, un bien appréhendé par la procédure collective pour exécuter celle-ci. On peut penser que la solution sera identique en ce qui concerne l’octroi d’une prestation compensatoire par versement de somme d’argent. Mais surtout, la décision admet la possibilité de réclamer le paiement d’une créance alimentaire au liquidateur, sur les biens appréhendés par la liquidation judiciaire : la particularité des créanciers alimentaires s’en trouve renforcée. Cass. Com. 16 janv. 2019 n°17-16.334
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