Un courrier recommandé avec avis de réception ne vaut pas signification
Publié le :
16/03/2018
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L’intitulé du présent article pourrait conduire le juriste confirmé, voir même la ‘bleusaille’ de première année, à sourire et passer son chemin. Attention à ne pas se moquer de l’évidence. Il n’est ici nullement question de la notification des décisions dont les textes imposent qu’elle soit faite par voie de signification. Non, il s’agit ici de la situation dans laquelle la notification de la décision est l’office du greffe, mais qu’une partie souhaite elle aussi, pour des raisons qui ne sont pas dans ce débat, faire courir les voies et délais de recours. Dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire, le Juge commissaire décide de faire droit à une action en revendication de la marchandise vendue avec clause de réserve de propriété. L’ordonnance favorable au propriétaire est rendue par le Juge commissaire le 18 novembre 2014. Elle est évidemment susceptible d’appel, ce délai étant en la matière, de 10 jours, suivant la notification qui en est faite, habituellement, par les soins du Greffe. (article R621-21 du Code de Commerce) Voyant que le liquidateur judiciaire ne s’exécutait pas, le propriétaire revendiquant devait lui adresser, le 1er décembre suivant, un courrier recommandé avec avis de réception, visant l’ordonnance du Juge commissaire. Ledit courrier ne précisait pas les voies et délais de recours applicables, et, le liquidateur devait interjeter appel plus de 10 jours après l’envoi du courrier. La cour d’appel le jugera irrecevable en raison de sa tardiveté, mais, au visa des articles R.621-21 alinéa 3 et 4 et 651 alinéa 3 du Code de procédure civile, la Cour de Cassation le considèrera au contraire, parfaitement valable et non tardif. Le premier des deux textes indique que « Les ordonnances du juge-commissaire sont déposées sans délai au greffe qui les communique aux mandataires de justice et les notifie aux parties et aux personnes dont les droits et obligations sont affectés. Sur sa demande, elles sont communiquées au ministère public. Ces ordonnances peuvent faire l'objet d'un recours devant le tribunal dans les dix jours de la communication ou de la notification, par déclaration faite contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au greffe. » Le second dispose que « Les actes sont portés à la connaissance des intéressés par la notification qui leur en est faite.
La notification faite par acte d'huissier de justice est une signification.
La notification peut toujours être faite par voie de signification alors même que la loi l'aurait prévue sous une autre forme. » Pour la Cour de Cassation, si la notification à l’égard des mandataires de justice peut être faite à l’initiative d’une partie, cette dernière doit procéder par voie de signification. Ainsi, la lettre recommandée avec avis de réception adressée par une partie au mandataire de justice ne vaut pas notification, et encore moins signification. Pour être plus tranché, la lettre recommandée avec avis de réception ne vaut que ce qu’elle vaut, c’est-à-dire absolument rien en tant qu’acte de procédure (notification ou de signification.) L’appel du mandataire de justice était donc recevable faute de notification ou de signification valable de la décision. La Cour de Cassation nous enseigne donc que dans le cas où il appartient au Greffe de notifier une décision, mais qu’une partie fait le choix de la notifier elle-même, la forme de cette notification lui est imposée : obligation lui est faite de procéder par voie de signification, et donc par voie d’huissier de justice. L’absence d’analogie entre la signification de la décision faite par une partie et la notification de celle-ci par le greffe est légale, puisqu’elle ressort de l’article 651 du Code de procédure civile précité. Et elle est louable, le justiciable lambda ne pouvant prétendre aux mêmes pouvoirs, ni gérer les mêmes devoirs et attributions que le Greffe de la juridiction. Les personnes recevant un courrier recommandé n’émanant pas du Greffe mais visant une décision judiciaire pourraient légitimement douter de la valeur de celui-ci en termes de notification à leur égard. C’est la raison pour laquelle la signification s’impose, puisqu’elle ôte toute équivoque à ce sujet. Rappelons en outre que le Greffe assure la gestion des formalités liées au fonctionnement de la juridiction, et les greffiers des tribunaux de commerce sont des officiers publics et ministériels. La différence de traitement n’est donc pas anormale. Et pour confirmer l’évidence, un courrier recommandé avec avis de réception ne vaut pas signification. Cour de cassation, Ch.Com. 24 janvier 2018 n°16-20197
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