La question de la compétence des juridictions des Etats membres de l'Union Européenne en cas de déplacement illicite d'un enfant vers un Etat tiers où il a acquis sa résidence habituelle.
Publié le :
27/04/2021
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La Cour de Justice de l'Union Européenne, dans un arrêt rendu le 24 mars 2021, a dû répondre à cette question épineuse. L'article 10 du Règlement Européen n° 2201/2003 du 27 novembre 2003 dit Bruxelles II bis, énonce : "En cas de déplacement ou de non-retour illicites d'un enfant, les juridictions de l'Etat membre dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle, immédiatement avant son déplacement ou son non-retour illicites conservent leur compétence jusqu'au moment où l'enfant a acquis une résidence habituelle dans un autre État membre." La question se posait de savoir si, dans l'hypothèse où l'enfant quitte un Etat membre et acquiert une résidence habituelle dans un Etat tiers, les juridictions de l'Etat membre d'origine conservent-elles perpétuellement leur compétence, autrement dit, les juridictions de l'Etat membre ont-elles une compétence perpetuatio fori, quand l'enfant est déplacé vers un Etat tiers. L'avocat général devant la Cour de justice le pensait. Mais la Cour elle-même n'est pas allée dans ce sens. Dans le cas d'espèce, un enfant de nationalité britannique, qui avait sa résidence habituelle au Royaume-Uni, est déplacé illicitement par sa mère dans un Etat tiers, en l'occurrence l'Inde, où l'enfant acquiert sa résidence habituelle. Le père de cet enfant saisit une juridiction britannique d'un recours visant à obtenir son retour au Royaume-Uni, ainsi qu'un droit de visite. La question était de savoir si la juridiction anglaise (à l'époque celle d'un Etat membre) était compétente pour statuer sur un tel recours alors que l'enfant résidait désormais habituellement en Inde. La Cour de justice de l'Union Européenne considère que tel n'est pas le cas, pour deux raisons essentielles. D'une part, l'article 10 du Règlement Bruxelles II bis prévoit des critères qui visent une situation se cantonnant aux Etats membres. Il ne vise pas l'éventualité d'une résidence acquise sur le territoire d'un Etat tiers. Ainsi, la Cour de justice précise que le législateur européen a souhaité instituer une réglementation stricte en ce qui concerne les déplacements illicites d'enfant à l'intérieur de l'Union Européenne, mais il n'a pas entendu soumettre à cette réglementation les enlèvements d'enfant vers des Etats tiers. Il rappelle que de tels déplacements illicites sont couverts notamment par des conventions internationales, tel que la Convention de La Haye de 1996, sur la responsabilité parentale et la protection des enfants, on peut penser également à la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur le déplacement illicite international d'enfant. La Cour de justice rappelle à juste titre que ces conventions prévoient le transfert de compétence aux juridictions de l'Etat de la nouvelle résidence habituelle de l'enfant dans certains cas, et que ce transfert de compétence serait totalement privé d'effet si les juridictions de l'Etat membre devaient conserver sans limite de durée leur compétence. D'autre part, la Cour de justice considère que le maintien d'une compétence illimitée dans le temps de la juridiction de l'Etat membre d'origine ne serait pas conforme à un autre objectif du règlement qui est la protection de l'intérêt supérieur de l'enfant privilégiant le critère de proximité entre le juge et l'enfant. En effet, lorsqu'un enfant est enlevé et déplacé vers un Etat tiers et qu'il acquiert après le déplacement une résidence habituelle dans cet Etat tiers, la juridiction de l'Etat membre d'origine peut se trouver extrêmement éloignée. * * * Dans ces conditions, la Cour de justice considère que si une juridiction d'un Etat membre ne peut pas fonder sa compétence sur l'article 10 du Règlement Bruxelles II bis, elle devra l’établir sur le fondement des conventions bilatérales ou multilatérales internationales ou à défaut sur le fondement de ses règles nationales. Source : Cour de Justice de l'Union Européenne, 24 mars 2021, n° C-603/20.
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