Le concept de « Raisonnabilité » à l’épreuve du droit International du Travail
Publié le :
17/07/2021
17
juillet
juil.
07
2021
Les différentes conventions ratifiées par la France ont des répercussions directes dans les situations de droit jugées par les juridictions françaises. L’arrêt rendu par la Chambre Sociale de la Cour de Cassation le 7 juillet 2021 en donne une illustration sur le terrain du Droit du Travail. Pour dire, en effet, que le contrat de travail d’un salarié s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamner en conséquence son employeur au paiement de diverses sommes, une Cour d'appel a retenu qu’était déraisonnable, au sens de la convention n° 158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) et au regard de la finalité de la période d’essai qui doit permettre au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent et de l’exclusion des règles de licenciement durant cette période, une période d’essai dont la durée est de six mois. La Cour d'appel avait donc décidé de censurer, en application des dispositions du Droit International, et notamment de la Convention de l’Organisation Internationale du Travail, une période d’essai de six mois, considérant qu’une telle durée ne pouvait, en tout état de cause, pas être considérée comme étant raisonnable. La Cour de Cassation est cependant d’un avis différent, puisqu’elle indique qu’en se déterminant ainsi « par une affirmation générale sans rechercher, au regard de la catégorie d’emploi occupé, si la durée totale de la période d’essai prévue au contrat de travail n’était pas raisonnable », les Juges du fond ont privé leur décision de base légale. Ce qui est reproché par la Cour de Cassation à la Cour d'appel n’est pas d’avoir appliqué la Convention n° 158 de l’Organisation Internationale du Travail, mais de l’avoir appliquée sans discernement. La Cour de Cassation dit en effet que les Juges doivent tenir compte, pour apprécier si une période d’essai est d’une durée « raisonnable », de la nature des fonctions et des missions confiées au salarié, et la durée nécessaire pour s’assurer que ce dernier ait bien toutes les qualités nécessaires pour les assumer. Dans le cas d’espèce, l’employeur avait rappelé que l’emploi concerné par la période d’essai était celui de conseiller commercial en assurance. L’employeur a eu beau jeu de rappeler que l’accès à ce type d’emploi est réglementé par le Code des Assurances, qu’il implique un contact direct avec la clientèle et la mission de faire souscrire à cette dernière des contrats d’assurance dont les modalités peuvent avoir des conséquences patrimoniales très importantes. L’employeur a souligné que ces fonctions impliquent un devoir de conseil, dont la méconnaissance est susceptible d’engager la responsabilité civile et pénale de l’employeur et dont le respect suppose que le conseiller rémunéré par des commissions sur les contrats souscrits soit pleinement formé sur le plan juridique, technique et déontologique. L’employeur a fait valoir que, pour ces raisons, les personnes recrutées pour exercer ces fonctions devaient subir un stage de formation d’un mois, passer avec succès une habilitation à présenter des contrats d’assurance au public et exercer ensuite pendant cinq mois en qualité de conseiller commercial auxiliaire sous la tutelle d’un conseiller commercial chevronné, avant d’être titularisés. Selon l’employeur, la période d’essai d’une durée de six mois était donc nécessaire au regard des contraintes juridiques intrinsèques à l’emploi occupé. La Cour de Cassation n’a pas, et c’est normal car c’est son rôle, tranché la question de fond de savoir si, au cas d’espèce, compte tenu du type d’emploi proposé et des prérogatives du salarié, une période d’essai de six mois était raisonnable ou pas. Elle a laissé à la Cour d'appel de renvoi le soin de ne pas se prononcer d’une manière globale et indifférenciée, comme l’avait fait la première Cour d'appel ; la Cour d'appel de renvoi devra en effet apprécier, au cas d’espèce, si, au regard de la catégorie d’emploi occupé, la durée totale de la période d’essai prévue au contrat de travail de six mois est raisonnable ou pas. Il faut en tout cas en retenir que la Cour de Cassation assure la préséance du Droit International au travers de la Convention n° 158 de l’OIT, mais elle le fait en invitant les Juges du fond à appliquer ces conventions, au sein desquelles le concept de Raisonnabilité de manière éclairée. * * * Cassation sociale : 7 juillet 2021 n° 19-22.922
Historique
-
Quand la bigamie est « reconnue » par le droit français
Publié le : 15/12/2021 15 décembre déc. 12 2021Droit international20212021 / DécembreL'affaire concerne deux époux de nationalité libyenne, mariés en Libye. Il ne s'agissait pas du premier mariage pour le mari, les époux étaient donc bigames....
-
Compétence en matière d’assurance
Publié le : 08/09/2021 08 septembre sept. 09 2021Droit international20212021 / SeptembreLe Règlement Européen BRUXELLE I Bis prévoit, pour protéger les consommateurs et les souscripteurs d’assurance, que ceux-ci peuvent, dans le cadre du confli...
-
Le concept de « Raisonnabilité » à l’épreuve du droit International du Travail
Publié le : 17/07/2021 17 juillet juil. 07 2021Droit international20212021 / JuilletLes différentes conventions ratifiées par la France ont des répercussions directes dans les situations de droit jugées par les juridictions françaises. L’arr...
-
Attention à l’accord procédural permettant de désigner la loi applicable, à l’insu de son plein gré.
Publié le : 20/05/2021 20 mai mai 05 2021Droit international20212021 / MaiLa situation est celle d’un couple de nationaux portugais vivant en France, sans contrat préalable, où ils ont fixé leur premier domicile conjugal. Le divorc...
-
La notion de respect de l’ordre public international français s’apprécie au cas par cas !
Publié le : 20/05/2021 20 mai mai 05 2021Droit international20212021 / MaiLa première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 17 mars 2021 a eu l’occasion de préciser les contours de la notion d’ordre public intern...
-
La question de la compétence des juridictions des Etats membres de l'Union Européenne en cas de déplacement illicite d'un enfant vers un Etat tiers où il a acquis sa résidence habituelle.
Publié le : 27/04/2021 27 avril avr. 04 2021Droit international20212021 / AvrilLa Cour de Justice de l'Union Européenne, dans un arrêt rendu le 24 mars 2021, a dû répondre à cette question épineuse. L'article 10 du Règlement Européen n°...