CLIENTS, ATTENTION AUX ESCROQUERIES EN LIGNE : LA COUR DE CASSATION PROTEGE LA BANQUE !
Publié le :
06/01/2025
06
janvier
janv.
01
2025
Par deux arrêts rendus le 15 janvier 2025, la Cour de Cassation a, dans deux hypothèses où le client de la banque a fait l’objet d’escroquerie de la part de fraudeurs, la Cour d'appel a décidé de mettre tout ou partie du préjudice à la charge de la banque ; la Cour de Cassation, dans les deux cas, a réformé la décision, en considérant que la banque ne devait supporter aucune responsabilité.
Les deux situations sont intéressantes car elles révèlent une situation qui peut se rencontrer fréquemment dans la vie courante.
- Le premier cas concerne une société qui s’est rendue compte que six virements bancaires avaient été ordonnés depuis l’ordinateur de son comptable au profit de bénéficiaires qu’elle ne connaissait pas, sur des comptes ouverts à l’étranger.
A la suite de la plainte déposée, il a été découvert que l’escroquerie a été commise grâce à un courriel envoyé au service comptabilité par un escroc, lequel contenait un logiciel malveillant, le salarié a ouvert le courriel et le logiciel malveillant a infecté le système informatique, permettant au pirate d’en prendre le contrôle ; cela lui a permis d’ordonner les virements bancaires.
La banque a refusé de rembourser à la société cliente les sommes détournées.
Celle-ci a saisi la justice et la Cour d'appel a considéré que les torts étaient partagés.
- Une négligence grave de la société a été retenue ; le courriel malveillant apparaissait trompeur, rédigé en langue anglaise sans aucune raison.
- La Cour d'appel a également retenu un manquement de la banque à son obligation de vigilance car cette dernière n’a tenu compte ni des alertes d’un organisme de surveillance des attaques informatiques, ni des nombreuses tentatives de connexion le jour des faits.
La Cour d'appel a condamné la banque à rembourser la moitié des préjudices subis.
Mais la banque a formé un pourvoi en cassation et la Cour de Cassation a considéré que, selon l’article L 133-18 du Code Monétaire et Financier, une banque a l’obligation de rembourser ses clients victimes d’escroquerie mais, selon l’article L 133-19, si le client a commis une négligence grave qui l’a conduit à se faire escroquer, l’obligation de remboursement qui pèse sur la banque est levée.
Dans ce contexte, au contraire de ce qu’avait jugé la Cour d'appel, la Cour de Cassation a considéré que la négligence grave du client libérait la banque de tout partage de responsabilité.
Dans cette affaire, même si la banque a manqué à son obligation de vigilance, le client a commis une négligence grave, qui a rendu possible l’escroquerie.
Il a tenu compte d’un courriel manifestement frauduleux, la Cour de Cassation a donc considéré qu’il ne pouvait y avoir de remboursement, même partiel, du client par la banque.
* * *
- Dans la deuxième affaire, un particulier achète un véhicule automobile sur un site de vente en ligne.
Le véhicule est réel, il y a bien un vendeur qui n’est pas un escroc.
Pour procéder au paiement, l’acheteur effectue deux virements bancaires en se basant sur l’IBAN du vendeur, qui lui avait été remis par courriel.
Le vendeur a cependant indiqué à l’acheteur qu’il n’avait reçu aucun des deux virements.
L’acheteur s’est ensuite rendu compte qu’il avait été victime d’un piratage informatique.
Un escroc était parvenu à intercepter le courriel avec le relevé d’identité bancaire et à substituer son propre numéro IBAN à celui du vendeur, récupérant ainsi l’argent provenant de la banque de l’acheteur.
La banque a refusé de rembourser l’acheteur qui avait perdu ses fonds.
La Cour d'appel a rappelé que le Code Monétaire et Financier prévoit qu’une banque ne peut voir sa responsabilité engagée lorsque son client lui fournit un mauvais IBAN.
Mais la Cour d'appel a considéré que la banque restait tenue à une obligation de vigilance ; en effet, l’IBAN transmis par courriel présentait des anomalies apparentes.
La banque a, là encore, formé un pourvoi en cassation.
La Cour de Cassation constate que, selon le Code Monétaire et Financier, une banque qui exécute un virement en se basant sur un identifiant (RIB/IBAN) fourni par son client, ne peut être tenu responsable de l’opération de paiement lorsque l’identifiant n’oriente pas le transfert de fonds vers le bénéficiaire souhaité (Article L 133-21).
La Cour de Cassation juge en conséquence que ces dispositions excluent tout partage de responsabilité entre la banque et le client, quand bien même l’IBAN qui avait été substitué par l’escroc fraudeur comportait des anomalies, qui auraient dû attirer l’attention de la banque, car ces circonstances ne sont pas envisagées par le Code Monétaire et Financier comme ouvrant la possibilité d’un partage de responsabilité.
Dès lors, la Cour de Cassation a considéré qu’il ne pouvait pas y avoir de remboursement, même partiel, par la banque.
Il faut donc retenir que la Cour de Cassation protège la banque, en considérant que la banque n’est tenue à aucun remboursement, même partiel, si le client est victime d’une escroquerie bancaire :
- S’il y a une négligence grave du client,
- Si le virement a été effectué sur la base d’un IBAN fourni par le client, mais qui ne vise pas le bon bénéficiaire.
On est tout de même surpris de la sévérité de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation vis-à-vis du client qui, en réalité, comme c’est le cas dans la deuxième hypothèse, a bien fourni un relevé d’identité bancaire avec un IBAN permettant d’orienter les fonds vers le créancier réel.
On fera remarquer que ce n’est pas le client qui a fourni à la banque le faux IBAN, mais l’escroc.
C’est bien lui qui a intercepté le courriel contenant l’IBAN réel et l’a transformé en intégrant les références d’un compte dont il est le bénéficiaire.
Dès lors on pourrait rétorquer au raisonnement tenu par la chambre commerciale que la situation n’est pas celle de l’article L 133-21 du Code Monétaire et financier, car ce n’est pas le client de la banque qui a fourni l’IBAN du fraudeur, mais l’escroc lui-même.
Il semble donc que, dans ces conditions, on puisse, dans l’hypothèse où le faux IBAN qui a été communiqué présente des anomalies évidentes, s’interroger sur la responsabilité de la banque, qui est quand même la professionnelle dans l’opération.
Devant la recrudescence de ces fraudes bancaires sous des formes diverses et variées, ne faudrait-il pas au contraire, que la responsabilité repose sur les banques ?
Cela serait sans doute le moyen le plus efficace de faire que ces dernières organisent enfin des moyens de cyber sécurité, qui existent, au profit de leurs clients afin de limiter, si ce n’est stopper, ces fraudes bancaires.
Cour de Cassation – Chambre Commerciale Financière et économique – 15/01/2025 : Pourvoi n° 23-13.579 et 23-15.437
Historique
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