La Saga de la Gestation pour Autrui n’est pas terminée…
Publié le :
23/08/2020
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La gestation pour autrui est un contrat par lequel une femme loue son corps pour y fabriquer un être humain, et l’abandonner à la naissance au profit du ou des bailleurs. Le droit français interdit ce type de convention au nom de l’indisponibilité du corps humain, traduit fermement dans l’article 16-7 du Code Civil : « Toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui est nulle. » Pour autant d’autres Etats, au premier rang desquels de nombreux Etats des USA, autorisent la gestation pour autrui, et acceptent même de faire établir un acte de naissance de l’enfant ainsi né ou ne figurent que les noms des parents d’intention, et pas celui de la femme ayant accouché. Le droit français doit aux époux MENESSON une modification radicale de sa position. En effet, ceux ci, parents de jumelles nées de GPA dans un pays tiers se sont heurtés à la position jusqu’alors constante de la jurisprudence française qui refusait de transcrire un acte de naissance étranger d’un enfant issu de GPA, en raison de l’atteinte à l’article 16-7 du Code Civil. Ils ont menés un combat épique qui dura plus de quinze années, et qui a aboutit d’une part à la première saisine pour avis de la Cour Européenne des Droits de l’homme par la Cour de Cassation Française, qui a rendu son avis le 10 Avril 2019 (jurisdata N° 2019-005685), par lequel elle posait, s’appuyant sur le droit au respect de la vie privée de l’enfant, une obligation positive à la charge des Etats de reconnaitre une possibilité d’établir un lien de filiation entre l’enfant né après GPA et le parent d’intention. En revanche elle n’exigeait pas que cette reconnaissance passe par la transcription de l’acte d’état civil établi à l’étranger, mais laissait aux Etats membres une marge d’appréciation permettant que la reconnaissance se fasse par une autre voie, notamment celle de l’adoption par le parent d’intention. D’autre part, et à la suite de cet avis, l’assemblée plénière de la Cour de Cassation française a, par un arrêt en date du 4 octobre 2019 (jurisdata N° 2019-016985), exigé la reconnaissance du lien entre un enfant né d'une gestation pour autrui pratiquée à l'étranger et la mère d’intention. Tout en réaffirmant que la solution la plus conforme aux exigences de la cour européenne des droits de l'homme était l'adoption, elle pratiqua néanmoins un examen concret de la situation au regard des circonstances particulières de l'espèce. Pour mettre fin explicitement à un contentieux qui durait depuis plus de 15 années, elle a, à titre exceptionnel, décidé que la filiation, pour les jumelles MENESSON, serait obtenue par la transcription de l'acte de naissance des enfants. À peine deux mois plus tard, par des arrêts en date du 18 décembre 2019 (jurisdata N°2019-023757 ; N°2019-023758 ; N°2019-023759) la première chambre civile de la cour de cassation a pris un nouveau tournant sur la question de la transcription des actes de naissance, cette fois ci à la lumière de l'article 47 du Code civil : « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. » Elle a en effet jugé que : « la transcription de l'acte de naissance étranger d'un enfant, qui n'est pas une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, fait que ni la circonstance que l'enfant soit né d'une assistance médicale à la procréation, ni celle que cet acte désigne la mère ayant accouché et une autre femme en qualité de mère ou de parent ne constituent un obstacle à sa transcription sur les registres de l'État civil français, lorsque l'acte est probant au sens de l'article 47 du Code civil. » Ce faisant, la première chambre civile de la cour de cassation est allé plus loin que la cour européenne des droits de l’homme et que l’assemblée plénière, puisqu'elle a fait, sous réserve de la régularité de l'acte d'État civil établi à l'étranger, de la transcription le modèle de reconnaissance du lien de filiation. C'est donc, un retournement total de position que l'on aboutit, puisqu'en effet, la convention de mère porteuse ne fait pas à elle seul obstacle à la transcription de l'acte de naissance, et l'article 47 du Code civil instituant une présomption de régularité de l'acte établi à l'étranger, les juges n'auront qu'à vérifier si l'acte de naissance établi à l'étranger est probant au sens de l'article 47 du Code civil, c'est-à-dire vérifier qu'il est régulier, exempt de fraude, que les faits qui y sont déclarés correspondent à la réalité, et qu'il a été établi conformément au droit de son lieu d’établissement. On aboutit ainsi, à la reconnaissance directe d'un lien de filiation, pour des enfants nés de gestation pour autrui, dans un Etat où, conformément au droit local, il peut se trouver avec deux personnes du même sexe comme parent, éventuellement sans qu'aucune d'entre elle n'ait accouchée de l’enfant... On est effectivement très loin de l'application rigoureuse de l'article 16–7 du code civil qui était la règle pendant des années. Les juridictions du fond, ne manquerons pas de se déchirer, sur ce canevas jurisprudentiel, pour le moins mouvant. Ainsi, d’ores et déjà, la cour d'appel de Rennes, par plusieurs arrêts, en date du 27 janvier 2020 ( jurisdata N°2020- 000852 ; N°2020- 001519 ; N°2020- 000850), a ordonné la transcription intégrale de trois actes de naissance d'enfant conçus dans le cadre d'un contrat de gestation pour autrui, aux États-Unis d'Amérique et au Canada, actes mentionnant deux parents, à savoir le géniteur non contesté, et le parent légal, homme ou femme. Quasiment dans le même temps, le tribunal judiciaire d’ANGERS (Jurisdata N°2020- 002869), par un jugement en date du 17 février 2020, a refusé de procéder à la transcription d'un acte de naissance californien de deux enfants nés d'une gestation pour autrui, dont l'acte de naissance, désigne deux hommes français mariés comme deux parents des enfants. Pour ce faire, le jugement du tribunal judiciaire décide que l'ordre public français ne permet pas de dire expressément que la mère biologique n'est pas la mère de l'enfant dont elle a accouché. Le tribunal judiciaire d’ANGERS s'est inscrit dans la logique de la transcription de l'acte de naissance fondée sur l'article 47 du Code civil, mais il a mis en avant le principe de véracité, comme partie intégrante de l'ordre public international français. La saga n'est pas terminée, car, dans le cadre du projet de loi relatif à la bioéthique, l'Assemblée nationale française a adopté, le 31 juillet 2020, en deuxième lecture un projet de loi, qui doit encore passer au Sénat en fin d'année 2020 ou en début d'année 2021. En première lecture, le Sénat avait adopté une position très ferme, en ajoutant un article 47–1 au code civil afin de refuser la transcription d'une maternité d’intention. Le gouvernement, dans le cadre du débat à venir a indiqué que la reconnaissance de la filiation des enfants nés d'une mère porteuse à l'étranger sera « appréciée au regard de la loi française », par le juge. La loi limiterait ainsi la reconnaissance automatique du parent d'intention, revenant sur la jurisprudence récente de la Cour de cassation du 18 décembre 2019. Affaires à suivre donc...
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