Le Droit et Vous

Le délai de réflexion dans le mandat de vente

Droit Immobilier
Source :Cass. 1re civ., 1er juill. 2015, n° 14-15.753

Au visa de l’article L. 121-26 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 la Première Chambre de la Cour de Cassation est venue censurer un arrêt rendu par la Cour d’Appel.

Pour mémoire, ce texte précisait qu’avant l'expiration du délai de réflexion de sept jours prévu à l'article L. 121-25, nul ne peut exiger ou obtenir du client, directement ou indirectement, à quelque titre ni sous quelque forme que ce soit, une contrepartie quelconque ni aucun engagement ni effectuer des prestations de services de quelque nature que ce soit ; que la méconnaissance de ces dispositions d'ordre public est sanctionnée par la nullité du mandat.

En l’espèce, une SCI a donné à une Société de transactions immobilières un mandat, contractuellement soumis aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, en vue de la vente d'un appartement au prix de 2 350 000 euros, incluant une rémunération de 80 000 euros, et une clause pénale dans l'hypothèse où le mandant refuserait de signer une promesse de vente au prix convenu avec tout acquéreur présenté par le mandataire.

Or, la Société de transactions immobilières a reçu une offre d'achat formulée par un couple à concurrence du prix prévu, avant la fin du délai de rétraction et la SCI a retiré le bien de la vente en raison du montant de la taxe sur la plus-value qu'elle aurait été tenue d'acquitter. La Société de transactions immobilières l'a assignée en paiement de la clause pénale.

La Cour d’Appel avait fait droit à l’argumentation de la Société de transactions immobilières et avait condamné la SCI à lui verser la somme de 80 000 euros au titre de la clause pénale. Pour la Cour d’appel en recevant l'offre d'achat faite par le couple, pendant le délai de réflexion, l'agent immobilier n'a pas contrevenu aux dispositions de l'article L. 121-26 du code de la consommation qui se borne à interdire au mandataire d'obtenir de son client une contrepartie ou un engagement et d'effectuer des prestations de services de quelque nature que ce soit.

La Cour de Cassation censure l’arrêt en indiquant qu’il résultait des constatations de la cour d'appel que la société avait commencé à exécuter le mandat avant l'expiration du délai légal de réflexion en recherchant des acquéreurs.

Contrat de travail et loi applicable

Source : Cass. soc., 9 juill. 2015, n° 14-13.497
Droit du Travail/ Droit international

Une salariée avait été engagée à temps partiel, en qualité de directrice de programme, par une fondation espagnole, elle conclut un autre contrat de travail avec un autre employeur pour occuper les fonctions de secrétaire privée chargée des expositions. Les deux contrats stipulaient qu'ils étaient régis, le premier par la loi espagnole, le second par la loi belge.

La salariée est par la suite licenciée par la fondation en raison de l'impossibilité de maintenir son poste de travail à Paris ainsi que par l’autre employeur.

Elle a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de diverses sommes au titre de la rupture des contrats de travail, à titre d'heures supplémentaires, à titre d'indemnisation pour travail dissimulé et d'indemnisation de son préjudice de retraite, en se prévalant des dispositions de la loi française ;

La Cour d'appel n’a pas fait droit à sa demande et écarte l'application de la loi française.

La Cour de Cassation au visa des articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles est en désaccord avec l’analyse de la Cour d’Appel décide que :

L’article 3 de la Convention stipule que « le contrat est régi par la loi choisie par les parties, que celles-ci peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat » et l’article 6 d’ajouter que selon le second, « le choix de la loi applicable par les parties à un contrat de travail ne peut avoir pour effet de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui lui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du même texte ; que selon ce paragraphe, le contrat est régi, à défaut de choix des parties : a) par la loi du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail, ou b) si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable »

La Cour d’Appel pour écarter l'application de la loi française aux demandes formées par la salariée à l'encontre de ses deux employeurs a retenu que le contrat rédigé en espagnol conclu avec la Fondation stipule que s'appliqueront à ce contrat le statut des travailleurs espagnol et la convention collective espagnole des personnels de bureau et cabinets et que le contrat signé avec l’autre employeur prévoit qu'il prendra fin dans les formes prévues par la loi belge.

Elle ajoute que« La salariée qui invoque une fraude de ses employeurs et l'exercice d'une contrainte résultant de son état de grossesse et de sa dépendance économique lors de la signature des contrats, ne produit aucun élément probant à l'appui de sa démonstration fondée sur la seule chronologie des signatures des contrats litigieux ; que maîtrisant parfaitement la langue espagnole, elle ne pouvait se méprendre sur la portée du contrat signé le 12 décembre 2002 ; que s'agissant du délai de recours contre le licenciement prévu par le droit espagnol, elle ne démontre pas en quoi sa brièveté serait de nature à la priver de l'accès au juge et partant de justifier l'application des règles d'ordre public de la loi française ; que la circonstance qu'elle soit domiciliée et travaille la majeure partie du temps en France n'est pas suffisante pour établir la fraude invoquée, étant précisé que ses fonctions l'amenaient nécessairement à se déplacer régulièrement à l'étranger. »

La Cour de Cassation censure l’arrêt au motif que la Cour d’Appel qui a constaté que le lieu d'exécution habituel du travail était en France, n’a pas recherché comme il lui était demandé, si les dispositions des lois belge et espagnole choisies par les parties et relatives aux différents chefs de demandes de la salariée, étaient plus protectrices que les dispositions impératives de la loi française qui aurait été applicable à défaut de ces choix.

TABAGISME PASSIF DANS L’ENTREPRISE : L’employeur est responsable

Droit du travail
Source : Cass. Soc. 3 juin 2015, n°14-11324

En l’espèce une salariée engagée en qualité de dessinatrice par une société a été placée en arrêt maladie. Après l’avis d’inaptitude à son poste de travail sans seconde visite, avec danger immédiat constaté par la médecine du travail et étant donné l’impossibilité de la reclasser, elle a fait l’objet d’une procédure de licenciement pour inaptitude. Or, la salariée a saisi le Conseil de Prud’hommes de diverses demandes relatives à l'exécution et à la rupture du contrat de travail.

Notamment, elle sollicitait une indemnisation spécifique du fait du tabagisme passif dont elle avait été victime.

Pour débouter la salariée, la Cour d’Appel avait retenu que dans le document manuscrit particulièrement détaillé et spontané, réalisé pour son entretien d'évaluation en mars 2010, la salariée était très satisfaite de ses conditions de travail, qu'elle dépeignait une bonne ambiance d'équipe et de bonnes relations avec l'employeur, et ne se plaignait en aucune façon de tabagisme passif ou de froid, alors qu'elle émettait des observations sur le bruit.

La Cour avait tenu compte de l’argument de l’employeur précisant que la salariée accompagnait ses collègues lors des pauses cigarette dans le garage, alors qu'elle n'y était nullement obligée et que sa présence dans le cabinet était extrêmement réduite, se comptant en jours, à compter d'octobre 2010, et qu'au vu du certificat médical produit, ses arrêts étaient motivés par une tendinopathie calcifiante, affection sans aucun lien avec un tabagisme passif.

La Cour de Cassation n’est pas d’accord avec l’analyse retenue par la Cour d’Appel puisqu’au visa de l’article L.4121-1 du code du travail, la Haute juridiction rappelle l’obligation de sécurité incombant à l’employeur.

La Cour de Cassation précise donc que les motifs invoqués par l'employeur ne suffisent pas à l'exonérer de sa responsabilité en matière d'exposition au tabagisme passif.

Encore une fois, cet arrêt démontre la lourde obligation de l’employeur en matière d’hygiène et de sécurité au sein de l’entreprise.