La tentation de l'assurance-vie

Publié le : 16/02/2022 16 février févr. 02 2022

Il est tentant en effet de penser à l'assurance-vie lorsqu'on veut organiser sa succession. Les attraits de cette dernière sont nombreux : fiscalité avantageuse, placement préféré des Français, régime hors succession, avantages fiscaux, permettant une grande souplesse… Cependant, le risque existe de voir requalifier par les juridictions civiles des primes d'assurance vie qui seraient manifestement exagérées en donations déguisées ou indirectes. La Cour de Cassation est en effet vigilante sur le contrôle du caractère manifestement exagéré des primes par les juridictions du fond. Ainsi, la Cour d'Appel de PARIS avait analysé la situation d'une personne ayant souscrit deux contrats d'assurance-vie désignant initialement son fils comme bénéficiaire, puis ce dernier ainsi que ses trois petits-enfants. Modifiant à nouveau la désignation du bénéficiaire, le souscripteur désigne une association dont les représentants acceptent le bénéfice après son décès. Les ayants-droit ont tenté d'obtenir le rapport à la succession des primes ayant alimenté des contrats en application des dispositions des articles L132-12 et L132-13 du Code des assurances, qui ouvre ce rapport en cas d'exagération manifeste des primes versées. La Cour d'Appel de PARIS avait considéré que les primes n'étaient pas manifestement exagérées. Elle est censurée par la Cour de Cassation. La Cour d'Appel avait pourtant longuement motivé son raisonnement mais la Cour de Cassation lui reproche de ne pas s'être expliquée suffisamment sur l'utilité présentée par les contrats pour le souscripteur au moment du versement des primes. La Cour de Cassation, au détour d'une jurisprudence fournie, a ainsi imposé la vérification cumulative de quatre critères d'exagération, en exigeant qu'il soit tenu compte de l'âge, de la situation patrimoniale, et familiale du souscripteur et de l'utilité des opérations à la date de chacun des versements effectués. Dans le cas d'espèce, la Cour de Cassation considère que la Cour d'Appel n'a pas examiné avec la rigueur nécessaire, le critère de l'utilité du contrat pour le souscripteur. La Cour d'Appel avait considéré sur ce point que les documents versés aux débats ne permettaient pas d'accréditer une finalité uniquement successorale et fiscale de la souscription. Cette motivation par défaut est finalement rejetée par la Cour de Cassation, qui attend manifestement des juges du fond qu'ils s'expriment de manière plus complète sur une utilité "positive" des opérations de placement dans un contrat d'assurance-vie à la date de chacun des versements effectués. On ne saurait donc trop conseiller à ceux qui veulent investir dans des contrats d'assurance-vie, notamment pour des raisons successorales, de ménager la preuve de l'utilité de ce contrat, pour eux-mêmes, à la date de chaque versement. Ainsi, si aucun prélèvement n'est fait sur le contrat, celui-ci pourrait être inscrit utilement dans un projet de vie et/ou d'anticipation d'une  baisse des revenus au moment de la retraite, notamment. Il pourrait également être insisté sur l'espérance de vie du souscripteur au moment du versement. L'ensemble de ces points est en tout cas, avec les critères de situation patrimoniale, familiale et d'âge, un élément à étudier d'extrêmement près au moment d'organiser sa succession avec l'outil de l'assurance-vie.  *   *   * Source : Cour de Cassation, 2e chambre civile, 16 décembre 2021, n° 20-11.805, au jurisdata n° 2021-021008

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