Présomption de minorité au profit des migrants non accompagnés se prétendant mineurs

Publié le : 01/09/2022 01 septembre sept. 09 2022

En juin 2016, les requérants de l’affaire Darboe et Camara c. Italie (requête no 5797/17) arrivèrent en Italie à bord d’embarcations de fortune et y demandèrent l’asile, alléguant qu’ils étaient des mineurs non accompagnés. Un des requérants fut d’abord placé dans un centre pour mineurs étrangers non accompagnés puis il fut transféré dans un centre d’accueil pour adultes, pendant près de 4 mois. 
Une procédure de détermination de l’âge a été enclenchée sans qu’il ne soit informé ni de la procédure ni des conséquences éventuelles de ces examens.
Il saisit alors la Cour Européenne des Droits de l’Homme et invoque la violation de la Convention européenne des droits de l’homme en ses articles 3 (interdiction de la torture, peine ou traitements inhumains dégradants) et 8  (droit au respect de la vie privée), alléguant notamment qu’il n’a pas bénéficié d’une assistance adaptée à son âge et qu’il n’a pas disposé d’un recours effectif pour faire valoir ses griefs (article 13).
La Cour estime qu’il convient d’aborder l’affaire sous l’angle des obligations positives incombant aux Etats en vertu de l’article 8 ; en ce sens, la question de savoir si le requérant était ou non mineur à la date de son arrivée n’est pas l’objet du débat ; la question se pose de savoir si les autorités internes ont garanti les droits procéduraux associés au statut de mineur non accompagné sollicitant le bénéfice de la protection internationale.
Ce que retient la Cour :
  • Violation de l’article 8 de la CEDH au motif que les autorités n’ont pas attribué rapidement un tuteur ou représentant légal au requérant l’empêchant donc d’exercer son droit de demander l’asile,
 
  • Violation de l’article 9 de la CEDH au motif qu’en prenant en compte la vulnérabilité du requérant, les éléments tels que la surpopulation, la difficulté d’accès aux soins et le manque de personnel ont porté atteinte à la dignité du requérant et constituent un traitement inhumain et dégradant,
 
  • Violation de l’article 13 combiné aux articles 3 et 8 de la CEDH du fait que le Gouvernement n’a pas mentionné de voie de recours afin que le requérant conteste ses conditions de vie, ainsi que du fait de l’inefficacité des recours concernant la procédure de détermination de l’âge du requérant.
La Cour Européenne des droits de l’Homme dégage, en l’attente de la procédure d’évaluation de l’âge, une présomption de minorité en tant qu’ « élément inhérent » au droit au respect de la vie privée d’une personne étrangère non accompagnée se déclarant mineure.
Cela implique les garanties procédurales suivantes :
  • Désigner un représentant légal ou tuteur
  • Garantir l’accès à un avocat
  • Garantir une participation éclairée à la procédure d’évaluation de l’âge de la personne si celui-ci paraît douteux
En l’espèce, la Cour constate que les autorités n’ont pas accordé au requérant les garanties minimales dues ; par conséquent l’Italie est condamnée à verser au requérant une somme due au titre du dommage moral et une somme au titre des frais et dépens.
* * *
Source : CEDH, 21 juillet. 2022, n° 5797/17, Darboe et Camara c/Italie
https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-218424
 

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