Les seins nus expriment-ils une opinion?
Publié le :
18/04/2020
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L'arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 26 février 2020 s'inscrit dans la lignée de nombreuses décisions relatives à l'exercice de la liberté d'expression au moyen de manifestations dénudées. Encore une fois, c'est le groupe des FEMEN, qui qui est à l'origine des décisions, car dans cette affaire c'est la seconde fois que la Cour de cassation s’exprime. Une militante s'était présenté au musée Grévin dans la salle dite des chefs d'État, elle a dévêtit complètement sa poitrine sur laquelle était inscrit « kill poutine » avant de s'en prendre à la statue de cire du président de la fédération de Russie. Elle fut poursuivie pour exhibition sexuelle Le tribunal correctionnel l'a condamnée, mais la cour d'appel l'a relaxée au motif que l'exposition du torse nu d'une femme à la vue d'autrui, en dehors de tout élément intentionnel de nature sexuelle, ne pouvait, au regard des circonstances recouvrir la qualification d'exhibition sexuelle. Dans son premier arrêt du 10 janvier 2018 la Cour de cassation avait censuré cette solution en rappelant que les motifs invoqués par la prévenue étaient sans effet sur les éléments constitutifs de l'infraction. Pour la Cour de cassation la raison pour laquelle la prévenue avait agi importait peu, au regard de la constitution de l'infraction, dès lors qu'elle avait volontairement exhibé sa poitrine dans un lieu ouvert au public. Mais la cour d'appel de renvoi relaxa de nouveau la prévenue. Elle a retenu, dans une motivation proche de celle de la première cour d'appel, que si l'intention exprimée par l'auteur est dénuée de toute connotation sexuelle, et ne vise pas à offenser la pudeur d'autrui, mais relève de la manifestation d'une opinion politique, l'infraction n'est pas caractérisée. La cour de cassation ne suit pas l'argumentation, mais confirme la relaxe. En effet, la Cour de cassation confirme d'une part, que les motifs de l'exhibition sont inopérants, et que même si l'exhibition est dénuée de toute connotation sexuelle elle entre dans les prévisions du délit prévu à l'article 222–32 du code pénal. Toutefois, la Cour de cassation confirme la relaxe en retenant que le comportement de la prévenue s'inscrivait dans une démarche de protestation politique et que, compte tenu de la nature et du contexte de l'agissements en cause, la condamnation était susceptible de constituer une ingérence disproportionnée dans l'exercice de sa liberté d’expression. Autrement dit, pour la cour de cassation l'infraction existe, et elle est constituée, mais il n'est pas possible de condamner l'auteur, car une telle condamnation violerait son droit légitime à la liberté d'expression, protégé par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Il est intéressant de noter la différence avec des décisions antérieures, ou des FEMEN avaient été condamnées car leurs manifestations, toujours sur le même mode opératoire, s'étaient déroulées dans une église. La Cour de cassation avait alors considéré que la liberté d'expression des protestataires devait se concilier avec la liberté pour autrui de ne pas être troublé dans sa pratique de la religion. On peut considérer qu'il s'agit là d'une application des dispositions de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 qui est insérée dans le bloc constitutionnel français, qui rappelle que la liberté de chacun n'a d'autres bornes que celles qui permettent à autrui d'exercer la même liberté. *** Cassation chambre criminelle, 26 février 2020, numéro 19–81.827
Historique
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