Insulter son employeur sur Facebook peut-il fonder un licenciement pour faute grave ?
Publié le :
16/03/2018
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Une salariée, qui n’appréciait pas son environnement de travail, se plaisait à qualifier sa hiérarchie et certains de ses collègues de travail en termes fleuris, dans des conversations avec une de ses collègues de travail via l’outil messagerie de Facebook. La teneur des messages était la suivante (vous n’attendez que ça, on le sait) : - Ses collègues de travail ? « Grosses merdes »
- Sa supérieure ? « Grosse conne stupide » ; « elle est dégueulasse avec moi mais son entreprise ne va pas aller bien loin » ; « elle travaille avec des grosses brêles » Pour finir par un « Bonne journée chez les fous ». Fatalement, puisque seules les montagnes ne se rencontrent pas, l’employeur en a eu connaissance. Après une convocation pour explication, une mise à pied à titre conservatoire, un entretien préalable à licenciement, la salariée a été licenciée pour faute grave. Jugeant que l’employeur avait usé d’un procédé déloyal, la salariée a saisit le Conseil de Prud'hommes, qui l’a déboutée de ses demandes. La salariée a fait appel de cette décision en arguant que la preuve apportée par l’employeur était déloyale : les messages échangés avec sa collègue ayant un caractère privé, l’employeur ne pouvait pas s’approprier le contenu de ces conversations privées et ce d’autant plus qu’elle avait eu ces conversations pendant son arrêt maladie. L’employeur se défend en prouvant que la salariée avait volontairement laissé sa session Facebook ouverte sur l’ordinateur de l’entreprise, rendant ainsi les conversations publiques et visibles de l’ensemble des salariés.
La salariée échouant à démontrer un stratagème de l’employeur, puisque, à défaut d’être ouverte, la session est protégée par un login et un mot de passe, la Cour d'Appel la déboute également de ses demandes et valide le licenciement. Une question demeure : la Cour de cassation confirmerait-elle la décision rendue par la Cour d'Appel ? En 2001, la Cour de cassation a jugé que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée, l’employeur ne pouvant pas prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui. (Cour de cassation, chambre sociale, 2 octobre 2001, pourvoi n°99-42942). En 2005, la Cour de cassation a jugé que l’employeur ne peut pas ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels, contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à disposition, qu’en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé, sauf risque ou évènement particulier. (Cour de cassation, chambre sociale, 17 mai 2005, pourvoi n°03-40017). 2006, les fichiers ou documents du salarié, situés dans son bureau ou sur son outil informatique mis à disposition par l’entreprise, sont présumés avoir un caractère professionnel, sauf si le salarié les identifie comme personnels, de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence. (Cour de cassation, chambre sociale, 18 octobre 2006, pourvoi n°04-48025). 2008, si l’employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut pas mettre en œuvre un dispositif de surveillance clandestin et, à ce titre, déloyal. (en l’espèce, une visite sous une fausse identité, Cour de cassation, chambre sociale, 18 mars 2008, pourvoi n°06-45093 et n°06-40852) 2009, l’employeur, sauf circonstances exceptionnelles, ne peut pas ouvrir les sacs appartenant aux salariés pour en vérifier le contenu, sauf accord et à condition de les avoir avertis de leur droit de s’y opposer et d’exiger la présence d’un témoin. (Cour de cassation, chambre sociale, 11 février 2009, pourvoi n°07-42068). 2012, si l’employeur a le pouvoir de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel pendant le temps de travail, il ne peut pas mettre en œuvre un dispositif de contrôle clandestin et, à ce titre, déloyal. (en l’espèce, une salariée de la Poste étant suspectée d’ouvrir le courrier des tiers, l’employeur a intégré dans le courrier des « lettres festives » qui ont la particularité de diffuser de l’encre bleue si elles sont ouvertes afin de la prendre en faute- ce procédé a été jugé déloyal par la Cour de cassation, chambre sociale, 4 juillet 2012, pourvoi n°11-30266). 2013, une clé USB, dès lors qu’elle est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour l’exécution de son travail, est présumée utilisée à des fins professionnelles, ce qui permet à l’employeur d’avoir accès aux fichiers qu’elle contient non identifiés comme personnels. (Cour de cassation, chambre sociale, 12 février 2013, pourvoi n°11-28649). Qu’en serait-il dans notre affaire ? L’employeur n’a pas eu accès aux conversations par l’usage d’un stratagème, celles-ci étant rendues publiques par la salariée elle-même. La salariée n’a pas pu identifier ces conversations comme personnelles, ce qui fait qu’elles sont présumées être professionnelles. L’employeur étant tombé sur les conversations et ayant convoqué sa salariée, on peut supposer que la salariée était en sa présence quand il a lu les échanges de messages... Il semblerait que, dans ce cas précis, la Cour de cassation rejetterait le pourvoi de la salariée. Source : Cour d'Appel de Toulouse, 2 février 2018, RG 16/04882
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