La double vie de Monsieur Q.

Publié le : 19/11/2020 19 novembre nov. 11 2020

L'article 21-2 du Code civil prévoit la possibilité pour le conjoint étranger d'un ressortissant français d'acquérir la nationalité française par déclaration après quatre années de mariage. L'une des conditions de validité de la déclaration tient à une communauté de vie entre les époux toujours existante à la date de la déclaration.  Selon l'article 26-4 du Code civil, le Procureur de la République a la faculté de contester l'enregistrement de la déclaration, dans un certain délai, s'il estime que les conditions légales n'étaient pas remplies lors de cet enregistrement, ou en cas de mensonge ou de fraude.  En l'espèce, un ressortissant étranger (« Monsieur Q. ») avait épousé une française et avait ultérieurement souscrit une déclaration d'acquisition de la nationalité française. Le couple, qui n'avait pas eu d'enfant, avait par la suite divorcé et Monsieur Q s'était remarié.  Le Procureur de la République a découvert que, durant sa première union, Monsieur Q. entretenait une relation extra-conjugale (avec celle qui est ensuite devenue sa seconde épouse) et que deux enfants étaient nés de cette relation. Estimant que ce non-respect du devoir de fidélité (article 212 du Code civil) impliquait nécessairement une absence de communauté de vie avec son épouse (et donc que l'une des conditions posées pour l'enregistrement d'une déclaration d'acquisition de la nationalité française n'était pas satisfaite), le Procureur de la République a assigné Monsieur Q. aux fins d'annulation de l'enregistrement et de constat de son extranéité.  Le Tribunal de première instance de Paris, confirmé par la Cour d'appel de Paris, a fait droit à la demande du Ministère public.  Monsieur Q a formé un pourvoi en cassation et, à cette occasion, a posé une question prioritaire de constitutionnalité formulée de la manière suivante :  « Les dispositions des articles 21-2, 212 et 215 du code civil - en ce qu'elles sont interprétées comme impliquant l'existence d'un devoir de fidélité dont la méconnaissance mettrait nécessairement fin à la communauté de vie affective qui caractérise le mariage - méconnaissent-elles, d'une part, les droits constitutionnels à l'autonomie personnelle, au respect de la vie privée et au mariage ainsi que, d'autre part, le principe constitutionnel d'égalité ? » La Cour de cassation a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel puisqu'elle a estimé que la position adoptée par la juridiction de première instance et d'appel était isolée et ne constituait aucunement l'état de la jurisprudence constante de la Cour de cassation : « il n'existe pas, en l'état, de jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle les articles 21-2, 212 et 215 du code civil seraient interprétés comme impliquant l'existence d'un devoir de fidélité dont la méconnaissance mettrait nécessairement fin à la communauté de vie affective qui caractérise le mariage au sens de l'article 21-2 précité ».  Il reste à savoir comment la Cour de cassation tranchera l'affaire au fond : confirmera-t-elle la position adoptée par la Cour d'appel de Paris ou cassera-t-elle l'arrêt attaqué par Monsieur Q. ?  A suivre... *   *   * Cour de cassation, Première chambre civile, 15 octobre 2020, N°20-11.694 https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042464489?tab_selection=all&searchField=ALL&query=20-11.694&page=1&init=true

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