Que se passe-t-il lorsque la loi désignée par la règle de conflit pour régir le divorce… ne connaît pas le divorce !?
Publié le :
19/11/2020
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Le Règlement européen portant coopération renforcée en matière de loi applicable au divorce et à la séparation de corps n° 1259/2010 du 20 décembre 2010, dit Règlement Rome III, prévoit, dans son article 5, que les époux peuvent choisir la loi applicable à leur divorce, dans son article 8, il fixe des critères à défaut de choix, définissant la loi applicable au divorce, au premier rang desquels, la loi de la résidence habituelle commune des époux, et enfin dans l'article 10, il prévoit que si la loi désignée ne connaît pas le divorce, c'est la loi du for qui s'applique. Une difficulté a été soumise à la Cour de Justice de l'Union Européenne qui a rendu sa décision le 16 juillet 2020, dans une affaire concernant le divorce de deux citoyens roumains résidant habituellement en Italie. Ils avaient saisi le Tribunal de BUCAREST en Roumanie, ce qui était parfaitement possible, en application des dispositions de l'article 3 paragraphe 1er b, du Règlement 2201/2003 du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale, dit Bruxelles II bis, puisque ce texte prévoit que peut être compétente pour prononcer le divorce la juridiction de la nationalité commune des époux. Le Tribunal de BUCAREST s'est donc déclaré compétent, à juste titre, et il a en outre jugé que la loi italienne était applicable au divorce en tant que loi de la résidence habituelle des époux en application de l'article 8a du Règlement portant coopération renforcée en matière de divorce et séparation de corps n° 1259/2010 du 20 décembre 2010. Toutefois, le Tribunal de BUCAREST a constaté que le droit italien imposait préalablement au divorce une séparation de corps et l'expiration d'un délai de trois ans, alors que la séparation de corps est inconnue en droit roumain. Le Tribunal de BUCAREST a purement et simplement déclaré la demande irrecevable…(!) En appel, le conjoint ayant introduit la demande de divorce a fait valoir que le Tribunal aurait dû appliquer la loi roumaine en application de l'article 10 du Règlement européen portant coopération renforcée en matière de divorce et de séparation de corps, selon laquelle la loi du for s'applique lorsque la loi applicable ne prévoit pas le divorce. La juridiction roumaine a préféré saisir la Cour de Justice pour déterminer si l'article 10 est également applicable lorsque la loi normalement compétente connaît le divorce mais la soumet à des conditions restrictives comme l'exigence d'une séparation de corps préalable, procédure ignorée par la loi du for. La Cour de Justice de l'Union Européenne rappelle, logiquement, que s'agissant d'une exception aux dispositions générales sur la loi applicable au divorce que sont les articles 5 et 8, l'article 10 doit faire l'objet d'une interprétation restrictive. Elle en conclut que l'article 10 vise uniquement les situations dans lesquelles la loi applicable ignore le divorce, et ne couvre pas les situations dans lesquelles il le soumet à des conditions jugées plus restrictives comme l'exigence préalable d'une séparation de corps, procédure d'ailleurs couverte par le Règlement. L'article 10 n'étant pas applicable, la Cour de Justice de l'Union Européenne dit que le juge roumain aurait dû appliquer le droit italien. Le problème n'est cependant pas réglé car le droit roumain ignore la procédure de séparation de corps, prévue par la loi italienne, comme un préalable à l'obtention du divorce. La Cour de Justice répond qu'il faut procéder à une adaptation des droits en respectant les conditions de fond de la loi applicable, les conditions procédurales peuvent elles, être ignorées. Ainsi, la Cour de Justice de l'Union Européenne indique que le Tribunal roumain doit vérifier et confirmer, dans sa décision sur le divorce, l'existence d'une séparation de corps entre les époux d'une durée au moins égale à trois ans pour respecter les conditions de fond de la loi italienne applicable. Une telle solution est sans doute sage, puisqu'en effet, elle revient à donner force et vigueur à la loi applicable au divorce et à la séparation de corps, tel que prévu par le Règlement européen. De plus, une solution contraire aurait pu pousser les époux concernés à choisir une des juridictions compétentes pour prononcer le divorce, de manière à contourner l'exécution de la loi (de leur résidence habituelle commune) normalement applicable. On ne peut que se réjouir de ce que la Cour de Justice de l'Union Européenne ne l'ait pas permis. * * * Arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne, 16 juillet 2020, n° C-249/19, Jurisdata n° 2020-012509.
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