Etre poursuivi pour refus de donner son code de téléphone ? Big Brother is watching us

Publié le : 08/06/2018 08 juin juin 06 2018

L’effrayante dystopie présentée par Georges Orwell ne parait plus si éloignée à la lecture de la décision du Conseil Constitutionnel de ce 30 mars 2018. Glisserait-on doucement mais surement vers une société où la vie privée est un luxe que peu peuvent s’offrir ? Ce n’est pas M. Malek B. qui vous dira le contraire : Trouvé en possession de produits stupéfiants et placé en garde à vue, il a été poursuivi pour avoir refusé de donner le code de déverrouillage de son téléphone. Cette poursuite par le ministère public se fondait sur l’article 434-15-2 du Code pénal qui dispose, en son alinéa 1er, qu’est « puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en œuvre, sur les réquisitions de ces autorités délivrées en application des titres II et III du livre Ier du code de procédure pénale". Selon M. Malek B., cette disposition n’est pas conforme à la Constitution car elle porte atteinte à certains droits et libertés fondamentaux, notamment le droit au silence, le droit de ne pas s’auto-incriminer, ou encore le droit au respect de la vie privée. De plus, argument soulevé par l’avocat du suspect dans la Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) soumise au Conseil, aucune définition d’un « moyen de cryptologie » n’a été donnée. Comme savoir alors si le code d’un téléphone constitue un moyen de cryptologie ? Sur cet argument, le Conseil Constitutionnel reste muet et la question reste en suspens. Pour ce qui est du reste, le Conseil assure qu’il n’y a pas d’auto incrimination dans le fait de donner son code puisque les données sont « déjà fixées sur un support » et existent « indépendamment de la volonté de la personne suspectée. ». Partant de ce raisonnement, il n’y aurait pas d’auto incrimination dans le fait de passer aux aveux, puisque les pensées d’une personne existent également indépendamment de sa volonté et sont déjà fixées sur un support. Cette réponse du Conseil est particulièrement dangereuse et liberticide. On trouve aujourd’hui davantage d’informations personnelles dans le téléphone d’un individu qu’en fouillant son domicile et, si des garanties sont attachées aux perquisitions de domiciles, aucunes ne sont attachées au déchiffrement des données personnelles. Seules trois conditions sont posées à la mise en œuvre de l’article 434-15-12 du Code pénal : - Établir que le suspect a connaissance d'une convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie - Ce moyen de cryptologie doit être susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit - La demande doit émaner d'une autorité judiciaire (les officiers de police n’étant pas une autorité judiciaire) Ces conditions constituent de très fines barrières. En effet, il suffit que le portable appartienne au suspect pour établir qu’il a connaissance du code. De plus, le terme « susceptible » de la deuxième condition ouvre la porte à tous les abus. Reste enfin l’obligation pour la demande d’émaner d’une autorité judiciaire qui n’offre qu’une faible protection au suspect. On ne peut qu’espérer que ces questions soient présentées devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme qui sera surement plus protectrice des libertés individuelles que l’a pu être le Conseil Constitutionnel dans cette affaire. Décision n°2018-696 QPC du 30 mars 2018 Lien : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000036756797&categorieLien=id

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